Libérer l'Ecole du business olympique.
Le CNOSF a lancé cette semaine "l'année de l'olympisme de l'Ecole à l'Université" ; un an avant la désignation de la ville hôte des JO 2024 par le CIO, le 13 septembre 2017, les ministres de l'Education nationale et des Sports, accompagnés de Tony Estanguet, coprésident de Paris 2024, ont donné le "coup d'envoi" des multiples appels à projets dans les écoles et les universités : concours sur la thématique des JO, semaine spécifique du 12 au 29 janvier 2017 et distribution de livrets "pédagogiques" constituent quelques uns des outils que l'hypocrite business olympique français va mettre en oeuvre pour distiller "la bonne parole" en vue de Paris 2024.
La "grande messe" pour vendre Paris 2024 se poursuit et se faufile ainsi dans les fourches caudines de l'école, comme si cette dernière n'avait pas d'autres préoccupations majeures à résoudre que de satisfaire le lobbying olympique.
Certes, cette école française, toujours aussi mal considérée dans les bilans internationaux, devra d'abord et avant tout sortir des ornières dans lesquelles le pédagogisme l'a enkystée depuis tant d'années, tant en matière de programmes ubuesques que d'organisation du travail scolaire mais elle aurait surtout eu grandement besoin des moyens financiers pharaoniques qui vont s'évaporer dans la gabegie programmée par le CIO.
Quant aux contenus véhiculés par cette propagande insidieuse, il y a fort à parier que c'est le mirage d'un sport angélique aux valeurs universelles toujours prônées mais jamais vraiment observées depuis la naissance du sport moderne qui risque de suinter des journées thématiques et des livrets dits pédagogiques : la malhonnêteté intellectuelle et les raccourcis historiques rivaliseront d'audace pour occulter la réalité olympique.
Car ce n'est pas du " corps sportif " dont l'école française a impérativement besoin, n'en déplaise aux deux députés (PS) qui viennent de remettre un rapport au Ministre et dont la conclusion traduit l'éternel entrisme du mouvement sportif olympique français dans l'école : " aux lendemains des JO, il faut aider les fédérations à accueillir tous les jeunes qui viennent frapper à la porte ".
Ce fameux " homo-sportivus " qui se cache encore et toujours dans les programmes de l'éducation physique scolaire ; en effet, bien à l'abri derrière des mots abscons, des phrases vides de sens, des néologismes de circonstance, des compétences introuvables et du didactisme jargonneux, il est très facile de démasquer le lobby du sport. Formatés par les discours des concours de recrutement et surveillés à distance (vive le numérique !) par des corps d'Inspection, gendarmes de la sinistre pensée unique, bien trop peu d'enseignants osent se libérer du modèle sportif dominant.
En vérité, dans la majeure partie des établissements scolaires, c'est encore et toujours du sport, plus ou moins bien animé en fonction du charisme de l'enseignant, avec plus ou moins de prétention langagière qui sévit malheureusement dans le quotidien de l'éducation physique scolaire.
Ce sport mythique qui n'est jamais soupçonné et qui trône toujours, innocent, dans le ciel des Idées : les milieux intellectuels, politiques, culturels qui devraient en principe mettre directement en cause cet idéalisme falsificateur ne cessent au contraire de le renforcer en lui attribuant ses plus belles lettres de noblesse.
Le sport est devenu un lieu commun qui ne supporte même pas qu'on l'interroge et qui obtient l'accord de tous avant même d'être questionné : l'argent véhiculé par le monde de l'"homo-sportivus " rend fou et aveugle mais la soupe est tellement bonne que des solidarités hypocrites se créent et empêchent toute analyse lucide.
L'école française n'a pas besoin de plus de sport et encore moins des pseudos valeurs olympiques qui lui sont attribuées mais de plus d'entrées par le Corps dans les apprentissages scolaires fondamentaux : n'oublions jamais, à cet égard, qu'écrire est un acte moteur.
Mais ce Corps majuscule dont l'école a urgemment besoin s'éloigne complétement des modèles dominants aux ordres du mouvement sportif et de sa quête de recrutement.
L'école française doit définitivement laisser le sport olympique à la porte et rechercher :
- Un Corps non soumis à l'obsession du progrès corporel et où le simple plaisir de jouer ici et maintenant suffit.
- Un Corps qui cessera d'être noté, comparé, hiérarchisé puisque le plaisir du mouvement se suffit à lui même dans une fonction d'équilibre de la journée, de la semaine et de l'année.
- Un Corps qui refusera l'unique obtention du plaisir dans la souffrance et l'abnégation prônées par le modèle sportif pour le remplacer par le simple plaisir immédiat de se mouvoir.
- Un Corps non soumis aux contrôles des affects et des mouvements dans des règles et des règlements standardisés, pour découvrir l'intériorité, la relaxation et/ou libérer les natures pulsionnelles.
- Un Corps qui se libèrera des logiques tayloristes et énergétiques véhiculées par les modèles technicistes sportifs.
- Un Corps où la Règle, essentielle et fondatrice, et son respect se construisent au gré des envies, des besoins, des relations et non des modèles sportifs stéréotypés.
- Un Corps qui découvre l'Autre dans le partage et l'épanouissement inter-individuel et non dans la confrontation et l'illusion de la victoire.
Que vivent les corps en mouvement en utilisant l'extraordinaire richesse et diversité historique des jeux de corps dans des semaines scolaires aérées et non aux pratiques sportives utilitaristes, techno-centrées, pseudo-scientifiques, saupoudrées d'idéologie olympique au service de cette loi dévastatrice pour l'Humanité du " Citius, Altius, Fortius ".